Il faut des résultats pour rester dans la course. Fabio Lazzerini ne se plaint pas : « R-TEC gagne. Souvent. » Dans son activité de haute technologie, peu d’opérateurs sont actifs en Belgique. Le centre d’étude et de montage d’Heppignies adapte des amortisseurs à la compétition automobile. « Le tarage dépend du pilote et de la voiture, mais aussi du rallye, du circuit sur lequel elle va rouler. Toutes ces données entrent dans l’équation. L’art est de trouver la formule gagnante. » Des usines ne s’y sont pas trompées. R-TEC est ainsi devenu fournisseur de Fiat pour le championnat du monde des Super 1600. A travers son équivalent français qu’elle contrôle techniquement, l’entreprise équipe aussi les mulets (voitures de reconnaissance) de Peugeot Sport en Championnat du Monde des Rallyes. Au volant : Marcus Grohnolm, Gilles Panizzi, Richard Burns, Harry Rovenpera…
Des noms prestigieux en course
Il est difficile de parler de R-Tec sans évoquer de nombreux noms de pilotes avec lesquels elle à travaillé : Miki Biasion, Toni Gardemeister, Yves Loubet, Bruno Thiry, Patrick Snijers, Didier de Radigues, Sébastien Ugeux… Si les amortisseurs représentent son activité de base, l’entreprise intervient dans d’autres domaines : calibration de moteurs, développement de freins, suspensions, gestion de l’électronique, châssis. Remarquablement bien équipée, elle a racheté le banc d’essai moteur Shenk de 750 CV de RAS Sport ainsi que les installations de test de l’ancien centre technique européen des bougies Champion. La compétition automobile n’est toutefois pas le seul marché sur lequel Fabio Lazzerini opère (dans son centre technique ou en course où il est appelé à se déplacer). La PME travaille en effet en sous-traitance pour Carat - Duchatelet (amortisseurs renforcés pour véhicules blindés). Consultée par l’Armée belge, elle vient en outre de remettre une offre pour la révision d’amortisseurs spéciaux de chars d’assaut. Enfin, elle fournit des accessoires automobiles (jantes) aux importateurs. Quatre travailleurs sont occupés à temps plein dans ses ateliers. En période de pointe, il faut faire appel à un renfort de main d’œuvre. Les transformations sont réalisées dans 60% des cas pour des clients étrangers, surtout en France.
Le Fiat junior team: pédagogie et succès
Depuis 2002, R-Tec est sous contrat avec Fiat pour la préparation complète et la logistique d’une Punto Super 1600 en championnat de Belgique des rallyes. Il s’agit d’un programme pédagogique dans lequel douze écoles techniques belges et luxembourgeoises sont inscrites. Les étudiants participent à l’assistance et au service en course. Ils voient tout ce qui est fait sur la voiture. Et depuis 2002, ils assurent la promotion, les relations publiques, le marketing. « Ca marche. » Pour première saison en 2002, l’écurie a terminé deuxième avec Larry Cols au volant. « L’année suivante, nous avons remporté les trois courses auxquelles nous avons participé,» raconte Fabio Lazzerini. Au-delà des résultats, il y a surtout l’intérêt de cette expérience qui plonge les jeunes dans le milieu de la compétition. Et les place en première ligne pour leur faire vivre le rallye: « car c’est eux qui interviennent assistés de nos techniciens ». A chaque retour de course, la voiture est entièrement inspectée. Les pièces usées sont remplacées. Tout est vérifié et remis à neuf.
En marge de ce projet de formation, R-Tec accueille encore en stage des étudiants de section de mécanique appliquée des facultés polytechniques de Mons, avec lesquelles une collaboration existe.
Fabio Lazzerini
Ingénieur civil électromécanicien, c’est dans le nucléaire que Fabio Lazzerini débute sa vie professionnelle. Spécialiste en constructions aéronautiques, il entre chez Westinghouse en 1983 pour effectuer des calculs de résistance et de tenue aux vibrations de tremblements de terre, d’impact d’avion et d’explosion sur des centrales. Deux ans et demi plus tard, il est embauché par Goodyear et y avec les centres de recherche de quelques grandes marques comme Lotus, Ford, Porsche, Audi, Peugeot en dynamique du véhicule et en acquisition de données. En 90, il devient responsable du développement des cellules d'essais moteurs chez Champion. Jusqu'à ce que RAS Sport lui ouvre les portes du championnat du monde des rallyes. Il part à Monte Carlo avec Bruno Thiry, puis accompagne Patrick Snijers dans les épreuves européennes. Cette expérience va en faire un team manager. Il découvre le milieu de la compétition et trouve sa vocation: interpréter des données, mais aussi adapter les réglages à la demande des pilotes, au comportement des voitures et à leurs caractéristiques. C'est en 1995 qu’il fonde sa PME. Les activités hi-tech de R-TEC sont d’abord hébergées au ZAMI à Gilly. Trois ans plus tard, lorsque se présente l'opportunité d'acquérir un terrain sur le zoning d’Heppignies II, il la saisit pour faire construire sur mille mètres carrés un centre de préparation et de montage comprenant des équipements informatiques, des bancs d’essai moteurs, une soufflerie de culasse, des machines tests d’amortisseurs, un atelier complet de mécanique.
Expériences d'Entrepreneurs en 4 questions et réponses.
. Quelle idée nouvelle est à la base de la création de votre entreprise ?
C’est l’identification d’un besoin qui m’a amené à créer mon entreprise : en tant que team manager chez RAS Sport, je me suis vite rendu compte qu’il existait une niche dans le domaine des amortisseurs pour la compétition automobile. En Belgique, personne n’était en mesure de répondre à la demande. Je savais que le secteur était très complexe. Je connaissais les différents problèmes.
. Quelle est la plus grande difficulté que vous ayez rencontrée pour créer ou développer votre entreprise ?
L’accès aux aides publiques. J’ai le sentiment d’une part que les gestionnaires de ces aides ne sont pas toujours à l’écoute des besoins des PME. De l’autre, que la complexité d’organisation et de montage de ces dossiers constitue un facteur important d’exclusion pour elles. D’une manière plus générale, la taille et la nature de mon activité, dans un domaine peu connu du public, ont représenté des handicaps. On a souvent assimilé la compétition automobile à un travail de garage ; c’était pourtant comme comparer les performances d’un jogger du dimanche à celles d’un champion d’athlétisme.
. Quelle est la plus grande joie ou satisfaction que vous a procuré votre entreprise et –si c’est le cas- pourquoi n’auriez vous pas pu vivre la même chose en tant qu’employé ?
Mesurer directement la portée des choix que l’on a faits, des risques que l’on a pris. En retirer profit. Comme au football où une équipe assume la responsabilité de la tactique qu’elle met en oeuvre sur le terrain, on gagne lorsqu’on joue bien et les maladresses peuvent coûter la victoire. Je ne crois pas que j’aurais pu vivre la même chose au service d’un employeur.
. Quel petit « truc » proposeriez-vous à un jeune entrepreneur ?
De ne jamais s’engager dans un projet d’affaires sans un minimum de travail garanti. Il faut toujours assurer ses arrières. Partir à l’aventure en se disant que ça va marcher, c’est dangereux. Une entreprise, ça se mûrit, comme un projet de voyage. L’optimisme est certainement une composante indispensable du succès. Mais ce seul ingrédient ne suffit pas à la recette.


















